Quel accès physique aux bibliothèques dans la jurisprudence ? | Biblidroit

Les problématiques juridiques de l’accès aux ressources et collections des bibliothèques se concentrent aujourd’hui sur les enjeux numériques. C’est tout à fait compréhensible : de la détermination des conditions de réutilisation des informations publiques à la définition de l’ampleur du champ des exceptions au droit d’auteur, en passant par la revendication de droits nouveaux sur le domaine public (question du « domaine commun informationnel »), les débats liés au numérique se montrent cruciaux pour les bibliothécaires et le public, en plus d’être passionnants pour les juristes. Pourtant, ces débats n’épuisent pas le problème de l’accès aux bibliothèques ; et quand les positions se tendent, comme c’est le cas actuellement en matière numérique, il n’est pas inintéressant de s’en souvenir. Autrement dit, parmi les multiples tâches du projet Biblidroit, celle qui consiste à dresser un état des lieux le plus complet possible de la question juridique de l’accès aux bibliothèques n’est pas la moindre. Dans ce cadre, aux côtés des questions numériques, un travail sur l’exercice du droit d’accès physique aux bibliothèques est en cours. Partant du constat qu’au début du XXe siècle encore, une étude juridique bien connue des bibliothécaires pouvait définir les « bibliothèques publiques » à partir de l’accès (« nous entendons par bibliothèques publiques les bibliothèques ouvertes à tous nationaux ou étrangers », écrit ainsi Jean Gautier : Nos bibliothèques publiques. Leur situation légale, Paris, Chevalier et Rivière, 2ème éd., 1903, p. 3), nos recherches s’intéressent, entre autres, aux différents fondements possibles du « droit d’accès », qu’ils soient tirés des grands principes du service public, des règles gouvernant la domanialité publique (au sens du droit administratif), voire de l’affirmation d’un « droit à la culture ». A cette occasion, nous avons pu constater que le juge administratif s’est prononcé à plusieurs reprises sur des questions d’accès physique aux bibliothèques publiques. Ainsi, quatre décisions – d’un intérêt cependant inégal – ont en particulier été identifiées dans le cadre de Biblidroit et appellent analyse. Les décisions en question sont les suivantes : CE, 26 juillet 1985, n° 50132, Association Défense des intérêts des lecteurs de la Bibliothèque nationale : dans cette décision, le juge administratif estime que les conditions restrictives d’accès aux ouvrages de la Bibliothèque nationale le samedi (régime de communication particulier ; service spécial de demandes de consultation en différé), inspirées par les nécessités du service, ne limitent pas dans des conditions anormales l’accès des usagers au service public et ne portent pas une atteinte excessive à l’égalité des usagers, au détriment des lecteurs du samedi. CE, 10 décembre 1993, n° 80720, 84086 et 84087, Université Jean Moulin Lyon III : dans cette décision, le juge administratif considère qu’un conseil d’université ne peut pas décider de réserver l’accès aux bibliothèques universitaires aux étudiants acquittant une contribution pédagogique lors de leur inscription, en ce que ce serait une décision constitutive d’un supplément de droits d’inscription. CE, 2 novembre 2011, n° 341115, Association Promouvoir : dans cette décision, le fait que les ouvrages du marquis de Sade sont disponibles sans restriction dans les bibliothèques publiques est un des éléments pris en compte par le juge pour établir l’absence d’erreur manifeste d’appréciation du ministre de l’intérieur dans sa décision de ne pas interdire, sur le fondement de la loi du 16 juillet 1949, la diffusion de l’ouvrage La philosophie dans le boudoir en supplément du journal Le Monde. CE, réf., 26 août 2014, n° 382511 et 382513, A.B. et C.A. (deux ordonnances) : dans cette décision, l’interdiction administrative faite à un enseignant-chercheur d’accéder à l’université, en ce qu’elle entraîne de fait l’interdiction d’accès à la bibliothèque universitaire, peut être de nature à rendre plus difficile la poursuite d’une activité de recherche personnelle et le maintien de son niveau des connaissances scientifiques ; mais, pour autant, cette interdiction ne porte pas un préjudice suffisamment grave et immédiat à la situation de l’enseignant-chercheur pour entraîner la suspension de cette décision (référé-suspension), dans la mesure où cet inconvénient peut être pallié dans une large mesure par l’accès aux informations disponibles en ligne. Ce recensement est évidemment incomplet à ce stade. Il est plus que probable que des juges de niveau inférieur, par exemple des tribunaux administratifs, se soient prononcés sur la question. Nous sommes donc fortement demandeurs de toute information en ce sens qui pourrait nous être signalée. Noé Wagener

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